La norme comptable internationale IFRS 16 [1] sur les contrats de location, publiée par l’IASB il y a un peu plus d’un an, vient de passer avec succès une première étape dans son process d’adoption au sein du droit européen. L’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group, le conseiller technique de la commission européenne pour les IFRS) vient en effet de rendre son avis définitif, concluant qu’il est approprié d’introduire la norme dans le référentiel comptable européen.

Au terme d’un processus d’analyse et d’appels à commentaires débuté en octobre dernier, le Board de l’EFRAG a estimé, dans son avis du 27 mars 2017, que la norme IFRS 16, Contrats de location, répondait bien aux critères d’adoption des IFRS. Le comité a d’abord reconnu la pertinence de la norme au regard des critères techniques d’intelligibilité, de pertinence, de fiabilité et de comparabilité de l’information financière, nécessaires à la prise de décisions économiques et à l’évaluation de la gestion des dirigeants de la société, ainsi que son caractère prudent. Il a également jugé que la norme répondait bien au principe d’image fidèle (true and fair) ainsi qu’à l’intérêt général européen. Des éléments ont particulièrement été étudiés, tels que l’impact sur la stabilité financière en Europe, la compétitivité des PME ou encore l’activité économique de l’industrie du leasing. Sur tous ces sujets, l’EFRAG a estimé que l’introduction de la norme comptable européenne n’aurait pas d’effet négatif tel qu’il serait inapproprié d’introduire la norme dans le droit européen.

Pour la première fois, et répondant ainsi aux demandes répétées de la commission européenne et du parlement européen de mieux documenter ses positions, l’EFRAG a rendu ses conclusions sur la base d’une étude d’impact réalisée, pour partie, par un consultant économique. Au-delà d’une évaluation purement technique et conceptuelle de la norme, c’est donc une véritable réflexion sur les effets économiques de la norme au sein de l’environnement européen qui a été menée. Plusieurs parties prenantes – préparateurs de compte, industrie du leasing, utilisateurs de compte et prêteurs (industrie financière), auditeurs, régulateurs – ont été consultées afin d’apprécier au mieux les conséquences de l’introduction d’une telle norme en Europe.

L’avis de l’EFRAG analyse ainsi, par exemple, l’impact d’IFRS 16 sur les preneurs (locataires), dont le niveau d’endettement va s’accroître, de manière plus ou moins significative selon les secteurs d’activité. Même si, in fine, l’impact sur le résultat net des entreprises demeure inchangé au global, la transformation des charges opérationnelles en charges d’amortissement et charges financières va de fait améliorer l’EBITDA [2]. Malgré une transparence accrue dans les bilans du levier d’endettement financier que représentent les locations, l’EFRAG ne s’attend pas à des changements matériels, tant sur la possibilité de recourir à la location comme source de financement qu’à ses conditions financières. Côté bailleurs, l’avis de l’EFRAG étudie les éventuelles modifications de comportements induites par la norme : ceux qui avaient l’habitude de louer vont-ils plutôt décider d’acheter ? Globalement, même si l’EFRAG reconnaît que la norme peut avoir un effet négatif sur l’industrie du leasing, les changements attendus devraient rester limités sans mettre en péril cette industrie. Quant aux coûts d’implémentation d’IFRS 16, si leur ampleur affectera essentiellement les preneurs et pourra varier selon les secteurs et la taille des entreprises, le rapport coûts/bénéfices est globalement jugé acceptable. L’avis de l’EFRAG s’est enfin intéressé à la position des utilisateurs de comptes, qui saluent les évolutions positives apportées par la norme en matière de transparence et de comparabilité des comptes. A cet effet, si certaines sociétés continuent de s’interroger sur l’utilité de l’introduction des changements à venir et remarqueront que des utilisateurs de comptes continueront d’effectuer leurs propres ajustements pour les locations, il convient de rappeler que la voix de ces utilisateurs occupe une place importante dans les avis rendus.

Les résultats des travaux de l’EFRAG, notamment la réalisation d’une étude d’impact économique, grande première pour l’EFRAG, ont donc permis de mieux comprendre comment la norme comptable internationale pourrait changer les pratiques si elle était introduite dans l’environnement européen. L’avis positif émis par l’EFRAG vient nous rappeler que le compte à rebours de l’entrée en vigueur d’IFRS 16 a bel et bien commencé (au plus tard le 1er janvier 2019). Il est donc urgent pour les entreprises de réfléchir dès à présent à l’ampleur des chantiers qu’elle implique, notamment dans le domaine des systèmes d’information qui vont dans la plupart des cas devoir être revus en profondeur. De vrais choix se profilent, d’autant plus pour les sociétés qui souhaitent adopter IFRS 16 en même temps que les nouvelles normes IFRS 9 sur les instruments financiers et IFRS 15 sur le chiffre d’affaires.

[1] Les normes IFRS sont les normes du référentiel comptable international qui s’appliquent obligatoirement à toutes les sociétés cotées en Europe.
[2] L’EFRAG, sur la base d’une étude réalisée sur les comptes 2014 d’un échantillon de 417 sociétés européennes appliquant les IFRS, estime que la norme IFRS 16, si elle avait été appliquée en 2014, aurait pu représenter un accroissement de 16% de la dette de ces sociétés et une amélioration de 10% de l’EBITDA environ (sociétés de l’industrie financière exclues de l’échantillon).

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