Bertrand Dumazy : « Edenred n’a jamais autant innové qu’aujourd’hui »
Publié le 03 mars 2017
Innovation, digitalisation, esprit de conquête, sur-satisfaction des clients… Bertrand Dumazy explique les grandes lignes de la stratégie qu’il a définie à son arrivée à la tête d’Edenred, leader mondial des avantages aux salariés et de la gestion des frais professionnels, et dévoile sa vision du métier de dirigeant.
Quelle est l’importance de la confiance dans les métiers d’Edenred ?
C’est la clef de voûte de notre activité. Edenred s’adresse à trois types de clients : les clients utilisateurs (43 millions dans le monde) ; les clients commerçants (1,4 million) ; et les entreprises clientes (750 000). Notre métier et nos activités reposent entièrement sur la confiance.
Notre métier consiste à bâtir un réseau unissant ces parties prenantes pour permettre à chacun de tirer bénéfice d’un écosystème vertueux.
Ce modèle serait instantanément mis en défaut si nos clients commerçants n’avaient pas confiance dans notre capacité à rembourser ; si l’utilisateur avait un doute sur sa capacité à régler avec le titre de paiement que nous lui fournissons ; ou si l’entreprise n’avait pas confiance en notre capacité à honorer notre engagement.
Dans le cadre de notre produit Ticket Restaurant et de ses déclinaisons, un quatrième acteur entre en jeu : l’Etat. Puisqu’il octroie une exonération fiscale, il doit également avoir confiance en notre capacité à administrer celle-ci, et donc à faire respecter le cadre législatif. Nous menons à bien cette mission dans les nombreux pays où nous gérons plus de 160 programmes d’avantages pour les salariés dans des domaines variés : restauration, alimentation, transports ou encore garde d’enfants.
Notre présence internationale date de près de 40 ans.
Cette antériorité, les volumes traités et les parts de marché tenues attestent de l’importance de la confiance dans nos activités.
Comment cette confiance se construit-elle ?
Edenred est naturellement considéré comme un acteur de confiance grâce à son histoire, son leadership et le volume de transactions qu’il gère : rien qu’en 2016, plus de 20 milliards d’euros !
La confiance passe aussi par le contrôle : nous sommes audités chaque année, de façon à vérifier la conformité de chacun de nos programmes.
Un travail quotidien est indispensable pour parvenir à cet excellent résultat. J’aime l’expression « From hero to zero » : on est un héros le 31 décembre quand l’année se solde sans défaut, mais il est indispensable de recommencer de zéro le 1er janvier.
La confiance passe enfin par la sécurité : nous nous devons d’avoir un temps d’avance sur les tentatives de fraude. Bien sûr, il est toujours possible qu’une faille existe, mais nous nous donnons tous les moyens d’empêcher ce scénario.
Quels ont été les grands chantiers menés depuis votre arrivée à la direction de cette entreprise ?
Au moment de l’introduction en Bourse en 2010, à la suite de la scission du groupe Accor, le plan stratégique portait jusqu’à 2016. J’ai pris mes fonctions à la fin de ce cycle. Mon premier grand chantier a donc consisté à doter Edenred d’une nouvelle vision stratégique à l’horizon 3 à 5 ans, « Fast Forward ». Celle-ci a été mûrie, pendant plusieurs mois, conjointement avec les patrons de chaque zone géographique.
Ma deuxième grande mission a été de réaffuter l’esprit de conquête avec une ambition forte dans les objectifs fixés chaque année et une discipline opérationnelle solide.
Enfin, le troisième chantier a consisté à réimpliquer Edenred sur le sujet de l’innovation de façon méthodique et structurée. Il s’agit d’un élément essentiel dans nos métiers. Cette entreprise a toujours été innovante, mais l’a parfois été de manière brownienne : l’innovation survenait par éclats et non de façon régulière. Je crois en une innovation systématique, avec un « pipe », des priorités et des investissements dans la durée.
Quels éléments entrent en ligne de compte dans la définition de votre stratégie ?
Le rôle du chairman et CEO d’une entreprise cotée est de trouver la meilleure trajectoire pour l’entreprise en tenant compte de quatre composantes essentielles.
– Que ce soient les utilisateurs, les commerçants et les entreprises, « les clients sont notre premier patron ». Nous nous devons de les satisfaire en cherchant chaque jour à améliorer la qualité de service que nous leur offrons. Nous scrutons sans relâche chaque pays, chaque programme, chaque ligne de produits, pour comprendre quels sont les pain points potentiels et déterminer la meilleure façon de les éliminer. Mon objectif n’est pas que nos clients soient simplement satisfaits : il faut qu’ils le soient au point de recommander nos solutions.
Le rôle du PDG n’est pas de réagir en fonction de la hausse ou de la baisse du titre, mais de piloter l’entreprise selon la visée du plan stratégique.
– L’engagement de nos collaborateurs est indispensable pour générer la sur-satisfaction de nos clients. Il faut que chaque membre de la famille Edenred aime son métier et veuille contribuer au projet porté par l’entreprise. Cette énergie positive permet d’entrer dans un cercle vertueux : le travail accompli génère un retour positif de nos clients, et renforce à son tour l’engagement des collaborateurs.
– Les actionnaires forment la troisième composante. Lorsque l’entreprise prend en compte correctement les deux premiers points, les profits augmentent de façon naturelle, et le retour sur investissement est au rendez-vous pour l’actionnaire.
– L’environnement dans lequel nous vivons tous constitue le quatrième élément de l’équation. Je ne crois pas à l’entreprise hors-sol. Notre communauté de travail et les réseaux que nous développons doivent s’insérer et vivre au sein des sociétés où ils sont présents.
De votre expérience, les fluctuations du cours de Bourse peuvent-elles influer sur la stratégie du management ?
Le rôle du PDG n’est pas de réagir en fonction de la hausse ou de la baisse du titre, mais de piloter l’entreprise selon la visée du plan stratégique. Penser qu’un cours de Bourse évolue chaque jour en fonction des décisions du dirigeant dénoterait d’ailleurs un grand manque d’humilité de sa part.
Dans la plupart des cas, les variations sont avant tout liées à la loi de l’offre et de la demande.
Il faut toutefois garder à l’esprit certaines réalités. Le cours de Bourse peut être un signal d’alarme, une corde de rappel : s’il baisse durablement parce que la stratégie ne porte pas ses fruits, il faut savoir l’entendre et changer ce qui doit être changé.
Plusieurs raisons peuvent expliquer une telle chute : l’entreprise peut avoir mal expliqué sa stratégie, ou manquer de discipline d’exécution. Il arrive aussi que la stratégie ne soit tout simplement pas la bonne.
Vous avez déclaré dans Les Echos que vous ne souhaitiez pas nommer de directeur chargé des questions numériques au sein d’Edenred : vous estimez que « la digitalisation est l’affaire de tous ». Quelle est votre stratégie en la matière ?
Nous sommes en voie de digitalisation rapide. La part des solutions digitales est en forte croissance dans la composition de notre chiffre d’affaires. Le cas de la France, où les solutions papiers sont encore majoritaires, est aujourd’hui l’exception. En effet, nos solutions sont digitales à 70% dans le monde et nous sommes déjà largement leader du marché français sur la carte Ticket Restaurant. Partout ailleurs, la dématérialisation s’impose à un rythme soutenu. Au Brésil, 100% des utilisateurs utilisent ces solutions.
Edenred est au cœur de cette tendance, et l’entreprise n’a jamais autant innové qu’aujourd’hui.