Le contrôle exercé par le droit de la concurrence sur les projets M&A fait partie des nombreuses raisons susceptibles de faire échouer une opération de rapprochement entre entreprises. Or ce risque est souvent pris en compte trop tardivement et les exemples de projets ayant dû être abandonnés ne manquent pas ces dernières années. Comment réduire efficacement ce risque et l’anticiper pour réussir ces projets stratégiques ?

Depuis plus d’une dizaine d’années, les autorités de concurrence, aidées d’équipes techniques et  d’économistes, ne fondent plus leur décision sur le seul critère des parts de marché : elles se livrent à une véritable analyse de ce que change l’opération sur le marché, de son impact en termes de diminution de la concurrence et de risque de hausse de prix pour les consommateurs.

Les entreprises qui souhaitent se rapprocher doivent intégrer ce prisme d’analyse, et ce le plus tôt possible. Il ne s’agit pas simplement d’affirmer que la concurrence est intense ou que l’opération est défensive, il est indispensable d’apporter des éléments factuels et des données précises. Pour espérer convaincre, ces éléments et données doivent être analysés de façon détaillée en mobilisant les techniques et outils de l’économétrie et de la data science.

C’est le recours à ce type d’analyse qui a permis à une opération de fusion dans le secteur des vins d’être autorisé par l’Autorité de la concurrence alors qu’elle concernait les deux principaux acteurs du marché. Les services d’instruction avaient en effet soulevé des préoccupations liées à l’existence d’une position forte sur certaines gammes de vin. L’une des manières de dissiper ces inquiétudes a été de mener une analyse extrêmement détaillée des comportements réels des consommateurs : quels produits achètent-ils ? Par quoi les remplacent-ils en cas d’indisponibilité ou à la suite d’une hausse de prix ? Leur choix dépend-il de la marque, du type d’appellation, du type de cépage ? Cette analyse a permis de démontrer à l’autorité de concurrence que, finalement, les produits des entreprises qui fusionnaient n’étaient pas les plus proches d’un point de vue concurrentiel, et qu’à l’issue de l’opération, le nouveau groupe serait toujours soumis à une pression concurrentielle suffisante pour l’empêcher d’augmenter ses prix.

Des analyses détaillées sont également requises pour les opérations de M&A dans le secteur de la distribution : un rapprochement entre deux réseaux de magasins requiert de procéder à des travaux approfondis sur chaque zone locale. Des dizaines, voire des centaines de zones peuvent être concernées et il n’est possible de les analyser efficacement qu’en mobilisant  des techniques de collecte de données, des interface de visualisation et d’analyse cartographique et des outils d’analyse économique. C’est la combinaison de ces différentes expertises (data, géomarketing, économétrie, finance) qui permet d’être en mesure d’anticiper au mieux les risques de cession de points de vente nécessaires pour obtenir l’aval des autorités de concurrence, d’en mesurer l’impact sur l’équilibre financier du deal et d’optimiser le processus. Dans un dossier récent, ce type d’analyse a permis de réduire significativement le nombre de cessions.

Ces deux exemples montrent que, pour être réussie, une opération de rapprochement doit intégrer, le plus en amont possible, le prisme par lequel les autorités de concurrence vont examiner l’opération et les préoccupations qu’elles vont exprimer. La mobilisation d’une équipe d’économistes et d’analystes de données ne doit pas attendre la préparation de la notification de l’opération aux autorités de concurrence mais se faire avant même le dépôt d’une offre ferme sur la cible visée. Ainsi, on évitera de gaspiller argent, temps et énergie pour des projets qui devront être abandonnés, et l’on maximisera les chances d’une issue favorable.