Notre futur est plus sombre, et nous plus inquiets. Impossible de continuer ainsi, si nous voulons plus de croissance et d’emploi. Nous devons changer plus et nous assurer mieux, les deux. Mais nous assurer contre quoi ?

Nous assurer d’abord contre les « actes des hommes ». Ce sont les accidents et erreurs de toute sorte. Ils sont plus nombreux, deviennent parfois plus graves, en tout cas plus chers. Les assurances payent, à partir des primes qu’elles collectent auprès des assurés. Elles pourront ensuite revoir leurs tarifs, polices et procédures d’étude des risques. Là, les hommes s’assurent contre les hommes.

Nous assurer ensuite contre les « actes des dieux », dits : « naturels ». Ce sont les crues et les tornades, les éruptions volcaniques et autres tremblements de terre, sécheresses et tsunamis. Ils sont en général exclus des polices d’assurances. Mais, là aussi, il faut réparer et indemniser, cette fois à partir de fonds réunis au moyen de surprimes sur les contrats dommage ou habitation. Ces surprimes doivent faire face aux « catastrophes naturelles », décrétées comme telles par l’Etat. Là, les hommes s’assurent contre les dieux.

Les « actes du diable » sont les pires. Ce sont les attentats, les crimes de masse, les génocides, les guerres. Evidemment, nul ne peut directement s’assurer contre eux. Les primes augmentent dans les zones à risque, jusqu’à disparaître quand il est trop fort : personne ne veut plus assurer. On voit les morts et les migrants, les entreprises et les villes dévastées, les terres piégées. Un jour la paix viendra, il faudra rebâtir. Alors arriveront des donateurs, des prêteurs et aussi des acheteurs. Nul ne s’assure contre le diable : ce sont surtout les perdants, innocents, qui payent. C’est là la vraie marque du diable.

Cette trilogie classique nous exonère cependant de nos responsabilités. Les actes des hommes doivent être mieux suivis, pour que les hommes se comportent mieux. Il faut être plus prudents et prévoyants, s’assurer bien sûr et faire en sorte aussi que les assureurs gagnent assez d’argent pour réparer et indemniser ces « actes ».L’assurance de la maison ou de l’auto est une école de vie en société. Dire que « l’assurance paiera » est un comportement irresponsable, qui doit être surveillé et réduit. Il ne s’agit pas de faire payer plus la protection – le bâton, mais moins si le comportement s’améliore – la carotte. L’assurance dite low cost est ainsi très mal nommée, car c’est elle qui suit les comportements de chacun, pour que « les autres » n’aient pas à payer pour lui, s’il se comporte mal bien sûr. Elle est civilisatrice.

Les actes dits « de dieu » ne doivent pas non plus nous exonérer de nos responsabilités. On sait toujours, après, que la zone est inondable, qu’on a trop construit, trop imperméabilisé le sol, trop… Pour éviter ces catastrophes, il ne s’agit pas de punir après, mais bien d’annoncer avant, d’interdire ou de demander des protections particulières. Bien sûr, c’est plus cher que d’acheter un terrain en zone inondable en disant qu’on l’ignore, mais en se félicitant de l’affaire ! Le réchauffement climatique, les pollutions des eaux, des sols et de l’air sont souvent notre fait. Parfois on ne sait pas tout (amiante), au moins au début, parfois parce on n’a pas le choix (charbon), souvent on ne veut pas changer. Il y a des décennies, la nature pouvait en large part compenser les dégâts. Aujourd’hui, c’est fini. Derrière les actes prêtés aux dieux, il y a les hommes, et les dieux n’en peuvent plus. C’est là qu’il faut agir, par des processus systématiques de mesure, de tests, d’informations, puis de bonus-malus, couplés à de la formation et à de la modernisation. Avant de sanctionner et d’interdire, en dernière instance.

Le drame est celui des actes du diable, en fait des hommes diaboliques. Comment réparer et compenser ces morts et ces destructions ?  En freinant, en empêchant, en réprimant, en annihilant ? C’est souvent arriver après la bataille. En suivant les signaux faibles, les dérives ? Oui, mais suivre n’est pas empêcher. Alors ce sont bien des actions longues de formation, éducation, luttes contre les corruptions pour développer une croissance plus sûre et inclusive qui permettront d’avancer, notamment dans les pays émergents.

Au fond, se protéger des hommes dépend beaucoup des hommes, se protéger des dieux dépend en bonne part des hommes, et se protéger du diable dépend uniquement des hommes.

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