Mon Petit Placement, fintech française visant à « démocratiser la gestion privée », propose des produits d’investissement haut de gamme aux jeunes adultes (25 – 40 ans) dès 500 euros. Une première sur le marché de l’épargne en France. Rencontre avec le fondateur et CEO, Thomas Perret, et son associée et COO, Margaux Belhade, qui comptent bien bouleverser les codes du marché traditionnel de l’épargne en ciblant une population qui a priori n’aurait pas investi sur ce type de supports.

Votre proposition de valeur cible le segment des jeunes actifs (25-30 ans) et jeunes adultes (30-40ans) sur le marché de l’épargne ? Pourquoi avoir fait ce choix-là ?

MPP : En comparaison avec le modèle anglo-saxon, les Français sont moins initiés à la notion d’épargne. Ces derniers disposent cependant d’une épargne dormante non dynamisée et dont ils n’ont généralement pas ou peu conscience. Partant de ce constat, et de nos expérience passées (ndlr : Thomas Perret a notamment travaillé en banque d’investissement), la thématique de l’épargne nous semblait intéressante pour se lancer dans une aventure entrepreneuriale. Dès lors, afin de définir une proposition de valeur claire et cohérente sur le marché de l’épargne, la cible à adresser constituait un point central. Nous nous sommes naturellement tournés vers la cible que nous connaissions le mieux : les jeunes actifs et jeunes adultes.

Julien Maldonato : Le marché des jeunes actifs / adultes représente près de 20% de la population française[1]. C’est un marché à haut potentiel qui reste encore peu diversifié ; en effet les acteurs traditionnels peinent à proposer des produits de placement variés à destination des jeunes et qui répondent véritablement à leurs besoins. De plus, c’est vers l’âge de 20-25 ans que l’on constate une accélération des événements financiers (souscription d’assurances, prêts auto / étudiant, crédit à la consommation, multi-bancarisation, …) chez les jeunes qui quittent le domicile familial et entrent dans la vie active.

Comment faites-vous pour attirer des clients, sachant que les jeunes actifs portent moins d’intérêt que les autres populations au sujet de l’épargne et sont moins éduquées sur le sujet ?

MPP : Nos partenaires, banques et assurances, constituent notre principal canal d’acquisition client. Une fois le client arrivé sur notre plateforme, l’enjeu est alors celui de la conversion. Pour cela, notre parcours de souscription a été conçu et testé avec un groupe de 250 utilisateurs sur une période de 2 ans. Ce parcours vise à trouver le juste équilibre entre conseil digital et humain, via une mise en relation avec un conseiller lors de la dernière étape. Une fois le contrat finalisé, nous avons fait de la pédagogie un des axes majeurs de différenciation de notre solution. Nous mettons ainsi à disposition de nos clients, sur leur espace dédié, du contenu pédagogique régulièrement alimenté. Ce contenu prend la forme d’articles et de vidéos afin de les accompagner dans leur montée en compétences sur le thème de l’épargne.

Julien Maldonato : L’équilibre entre accompagnement digital et accompagnement humain est un enjeu clé des banques et des assurances. D’après la 5e édition du baromètre Les Français et les nouveaux services financier (Deloitte 2020), 84% des français déclarent réaliser des opérations bancaires en ligne. Dans le même temps, 48% des français veulent un conseiller physique, et celui-ci reste l’interlocuteur privilégié pour les actes complexes et les décisions de vie importantes.

En parallèle, le besoin de pédagogie sur les sujets d’épargne ressort. En 2019, 77% des français considéraient avoir une « connaissance moyenne ou faible sur les questions financières »[2]. Chez les jeunes, la culture financière est encore moindre. Ces derniers possèdent généralement une connaissance limitée des différentes possibilités d’investissements et présentent une forte aversion au risque. C’est ainsi que les jeunes français se réfugient dans les livrets A sans même se renseigner sur d’autres types de placement. L’enjeu est donc bien de les éduquer et de les accompagner dans leurs premiers pas dans le monde de l’épargne.

Votre business model repose sur les gains générés sur vos produits et les rétrocommissions sur les frais de gestion des OPC. Comment justifiez-vous cette orientation stratégique, comment en assurez-vous la rentabilité et qui sont les partenaires qui vous accompagnent ?

 MPP : Cette orientation se justifie à la fois par le fait que le modèle de rémunération via la distribution est très peu rentable dans notre cas de figure, et que nous avons préféré miser sur un modèle inspiré des fonds d’investissements et aligné sur la vision client. Après présélection via notre algorithme de scouting, nous sélectionnons avec le Board les produits d’investissements à proposer à notre clientèle. Ces produits sont ensuite soit proposés en B2C, directement via notre plateforme Mon Petit Placement, soit en B2B2C, par le biais de partenariats avec des institutions financières. Par exemple, nous accompagnons les Agents Generali de Bretagne, en mettant à leur disposition l’application MPP, comprenant le logiciel et l’univers marketing. Il faut alors compter entre 6 et 10 mois d’implémentation en fonction de la flexibilité du core banking de l’institution financière.

Julien Maldonato : Nous constatons que de plus en plus de fintechs et d’insurtechs développent deux offres en parallèle : une offre B2C afin de distribuer leurs produits directement, et une B2B2C afin de distribuer leurs produits via des établissements partenaires. Cette seconde catégorie d’offre permet aux nouveaux entrants d’accroitre leur base client en augmentant les canaux de distribution, et aux partenaires de proposer un produit clé en main répondant à un besoin nouveau qu’ils n’auraient pas pu mettre en marché aussi rapidement en le développant en interne.

Quels sont les principaux challenges auxquels vous avez été confronté sur le marché de l’épargne ? Le contexte des taux d’intérêt bas notamment impacte-t-il votre activité ?

MPP : Il est vrai que la rémunération du livret A n’a jamais été aussi basse (0,5% depuis le 1er février 2020). Cette baisse, couplée à la chute des rendements du fonds Euros en juillet 2019, a notamment été un levier d’acquisition de nouveaux clients à la recherche de performance, et désireux de redynamiser leur épargne via un investissement en UC. Toutefois, l’enjeu majeur, pour une fintech comme nous, reste de gagner la confiance des français peu enclins à partager leurs données et leurs économies avec un jeune acteur. La mise en place de partenariats avec les acteurs traditionnels que sont les banques et assurances nous assurent cette confiance car ces derniers se positionnent comme tiers de confiance.

Julien Maldonato : Pendant longtemps, les livrets d’épargne et l’assurance vie ont été les placements préférés des français. Mais dans un contexte général de taux d’intérêt bas, la dynamisation de l’épargne des Français devra passer par la diversification de leurs placements avec l’introduction par exemple d’actions. C’est en acceptant notamment d’augmenter leur risque de perte en capital que les Français pourront espérer un certain rendement.

Par ailleurs, pour les fintechs l’enjeu est en effet de réussir à se faire connaitre des français et à gagner leur confiance. D’après la 5e édition du baromètre Les Français et les nouveaux services financier (Deloitte 2020), les banques et les assurances ont deux fois moins de difficultés que les autres acteurs à convaincre les Français de leur partager leurs données.

Prévoyez-vous d’enrichir l’offre actuelle proposée aux jeunes en l’enrichissant de nouveaux services ? Dans une interview de mai 2019 vous parliez notamment d’un nouveau produit « Ma petite tirelire ». Où en êtes-vous de ce projet et pouvez-vous nous le présenter ?

MPP : Nous pensons actuellement à développer une offre en B2B de micro épargne afin notamment de ramener du flux et d’intégrer de nouveaux clients. Concernant, Ma petite tirelire, l’objectif est de dupliquer l’offre que nous proposons aux jeunes adultes à une population de mineurs. Le projet est en cours et l’offre devrait bientôt arriver sur le marché même si sa réalisation a été un peu plus compliqué que prévu.. En effet, la gestion de l’épargne d’un mineur nécessite notamment l’accord d’un représentant légal, qui dans notre cas doit se faire de manière digitale ce qui n’est pas forcément facile puisque tous les partenaires traditionnels avec qui nous sommes en B2B2C n’ont pas encore entièrement digitalisé leur parcours ou proposent une expérience utilisateur digitale encore perfectible.

A plus long terme, nous envisageons également de nous lancer dans l’aventure de l’épargne-retraite toujours sur un modèle B2B2C.

Julien Maldonato : Les différents acteurs commencent à percevoir le potentiel que représente l’épargne des jeunes et les nouvelles offres commencent à apparaître sur le marché. Nous observons notamment un fort développement de l’offre de services de micro-épargne / tirelires virtuelles rémunérés à destination des jeunes (les start-up françaises : Yeeld, Bruno, et Birdycent ont levé près de 6 millions d’euros depuis leur création) pour répondre au besoin de mettre de côté de petites sommes facilement et régulièrement.

[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381474

[2] https://www.banque-france.fr/communique-de-presse/77-des-francais-estiment-avoir-un-niveau-de-connaissance-moyen-ou-faible-sur-les-questions