Quand La Finance va chez Freud
Publié le 08 mars 2017
Sigmund Freud : Entrez. Que puis-je faire pour vous ?
LF : Docteur, j’ai plusieurs problèmes : je suis instable et passe d’un extrême à l’autre. Toujours inquiète, j’adore monter trop haut, attirée ensuite par la chute. Et, quand je regarde devant moi, tantôt je suis très myope, tantôt hypermétrope.
SF : Diantre ! Commençons par l’instabilité.
LF: Je ne tiens pas en place. Chaque fois que quelque chose bouge autour de moi, je m’inquiète, sur-réagis et pense toujours au pire. Je vais vous donner un exemple : si les Etats-Unis n’ont pas beaucoup de croissance, je crains la déflation. Puis les choses s’améliorent, les salaires montent, alors je crains l’inflation. Et si l’inflation menace, alors je me dis que la Banque Centrale américaine va augmenter ses taux d’intérêt, donc le dollar va monter, donc la récession est à la porte !
SF : Je vois. Cette hyperactivité se soigne. Ce qui m’inquiète, c’est votre goût de la chute. Cette acrophilie, ce goût des hauteurs, c’est ennuyeux, d’autant que c’est pour craindre immédiatement après la récession. Ce n’est pas de ne pas rester tranquille qui est votre problème, je vais vous donner de la Ritaline pour ça, c’est vous empêcher d’aimer monter pour tomber. Ça, je ne sais trop quoi faire.
LF : Merci Docteur, si je me calme, ce sera déjà ça ! Mais mes problèmes de vision ? Prenez encore les Etats-Unis, le Président Trump me faisait peur. Maintenait, il fait un assez bon discours au Congrès, annonce des dépenses d’armement, d’infrastructure et des baisses d’impôt : j’adore. Mais il creuse le déficit public. Et quand il annonce des mesures protectionnistes j’adore, alors qu’elles ont toujours des effets négatifs à moyen terme !
SF : Effectivement il ne s’agit pas là de troubles de vision, mais plutôt d’analyse. C’est le cortex qui est atteint, pas l’œil. Ce sera plus compliqué à traiter, mais je vous propose de penser un peu plus à ce qui se passera dans l’économie pour les autres, qu’à votre propre feuille d’impôt. Je vous propose de porter votre regard au-delà de votre propre personne.
LF : Ça ne sera pas facile, à cause de mes autres troubles de vision ! Le plus souvent je suis très myope : on me le reproche assez. Ainsi, quand le prix du pétrole baisse, je suis très contente, parce que l’inflation va diminuer. Une seconde après je m’inquiète, parce que si le prix du pétrole baisse, c’est peut-être parce que l’activité économique faiblit, donc c’est pire. Puis, brutalement, me voilà hypermétrope. Comme l’inflation est basse, avec tous ces bons du Trésor qu’achètent ces Banques Centrales, les taux d’intérêts à long terme sont bas. J’achète alors des bons du Trésor à 10 ans à 0,2 % pour l’Allemagne et à 1 % pour la France. C’est de la folie, puisqu’en même temps on nous dit qu’il faut que l’inflation revienne à 2 % – et qu’elle y est presque ! Et pire, je me mets à acheter des obligations d’entreprises à 15 ans 20 ans 50 ans, sans savoir si, à ce moment-là, ces entreprises seront là !
SF : Ça, c’est plus grave. En fait vous ne passez pas de la myopie à l’hypermétropie, parce que cela n’est pas possible. Vous êtes toujours myope. Quand vous parlez d’hypermétropie, en fait, vous prenez vos rêves pour des réalités. C’est dangereux. Pas pour vous, mais pour ceux que vous conseillez.
LF : Alors, qu’est-ce que je dois faire ?
SF : Faites des pauses fréquentes entre deux décisions. Disons une minute d’arrêt, pour une minute de travail.
LF : Vous voulez me mettre à mi-temps ?
SF : Pourquoi pas ? Peut-être que, quand vous allez moins vite, l’économie a moins d’embardées.
LF : Vous avez dit ?
SF : En plus, vous êtes sourde ?
LF : Non, je n’ai aucune mémoire !
SF : J’ai tout compris !
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