La transition vers un monde bas-carbone tel qu’exprimé dans l’Accord de Paris de 2015 (réchauffement global limité à 2°C, voire 1,5°C, neutralité carbone globale dans la deuxième moitié du siècle) requiert des réorientations majeures de nos modèles économiques. La finance, en tant que carburant de l’économie mondiale, doit accélérer ces transformations. Notamment via la pratique du désinvestissement, qui permet  de réduire drastiquement les investissements dans les projets plus polluants, et l’engagement actionnarial, qui engage plus fermement la responsabilité des fournisseurs de capitaux.

Il est essentiel que la finance contribue à réorienter les flux financiers vers des investissements contribuant à la transition énergétique. Les banques peuvent jouer ce rôle en développant des solutions de crédit (prêt vert, évaluation de la précarité énergétique pour le crédit immobilier, etc.), en investissant dans des projets « verts » (fonds d’impact ou fonds thématique) ou encore en innovant dans des produits de marchés (Green Bonds, Social bonds et bientôt peut-être des Circular economy bonds !).

Mais le monde financier peut jouer sur un autre levier : le désinvestissement, qui consiste à réduire ou supprimer les investissements réalisés dans des projets freinant la transition énergétique.

Les efforts de désinvestissement ont déjà porté des fruits très significatifs. Une première phase a en effet frappé l’industrie du charbon depuis la COP21 : de nombreuses banques et institutions financières ont décidé d’arrêter, au moins partiellement, de financer l’industrie du charbon (mines, centrales électriques, etc.) alors même qu’il y a moins de cinq ans encore, un avenir radieux était prédit par de nombreux analystes au charbon, énergie abondante et peu chère… Une des conséquences les plus médiatiques de cette politique de désinvestissement a notamment été la faillite récente de Peabody, entreprise charbonnière américaine, fleuron industriel il y a moins de 10 ans.

Et l’histoire ne s’arrête pas là puisque certaines institutions financières puissantes et prestigieuses – la fondation Rockfeller, le fonds souverain norvégien, le Mouvement Catholique Mondial pour le Climat (GCCM) qui regroupe 70 institutions financières catholiques dans le monde, etc. – ont récemment annoncé qu’en plus du charbon, elles se détournaient maintenant de l’ensemble des énergies fossiles. Les subventions apportées aux énergies fossiles sont en effet encore très importantes (112 milliards d’euros par an de subventions, directes et indirectes, aux énergies fossiles, rien qu’en Europe, d’après Climate Action Network Europe). Il s’agit donc de réorienter les financements et d’investir dans de nouvelles capacités de production électriques à partir de ressources renouvelables.

Attention cependant aux limites du désinvestissement. Lorsqu’un investisseur vend une action d’une entreprise dans le charbon, quelqu’un d’autre l’achète. Une action dont le prix chute est peut-être une mauvaise nouvelle pour l’entreprise et l’actionnaire mais peut constituer une opportunité pour d’autres investisseurs. Certains fonds sont même spécialisés dans les ‘Sin Stocks’ (les actions d’entreprises dans des secteurs non éthiques comme les armes, l’alcool, le tabac, le charbon, etc.). Le désinvestissement n’a donc trop souvent qu’un impact limité sur l’accès au financement des entreprises et répond bien souvent à une simple problématique de réputation.

Ce qui compte vraiment est l’engagement actionnarial. On peut détenir des titres d’une société dans le charbon, à condition de se faire entendre au board ou en AG pour l’aider à gérer sa transition. Il faut finalement changer de paradigme et passer d’une logique ou le fournisseur de capitaux est « suiveur » et « s’adapte », à une logique ou le fournisseur de capitaux a une responsabilité dans la direction que prend l’économie (vers plus de développement durable). Ce changement a déjà été initié par certaines sociétés de Private Equity et l’effet d’entrainement potentiel est massif. Depuis la COP21, les principaux fonds d’investissement mondiaux (BlackRock, le fonds souverain norvégien…) ont pris en main la nouvelle responsabilité qui leur incombe et ont commencé à modifier de façon importante leurs pratiques en mettant en place un « engagement actionnarial » plus important, qui met une nouvelle pression sur la durabilité des modèles des entreprises dans lesquelles ces fonds sont investis.

Cette situation s’accélère sous la pression de réglementations nouvelles (réglementations relatives aux reportings extra financiers et sur l’empreinte carbone des portefeuilles). Ces évolutions récentes peuvent augurer, si elles s’amplifient, d’un rapport plus équilibré entre finance et économie dans une perspective de développement durable.

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