Quel sera le rôle du banquier dans un monde digital ? La directrice des Ressources et de l’Innovation du groupe Société Générale partage ses convictions.

Retrouvez aussi la première partie de notre entretien avec Françoise Mercadal-Delasalles sur le thème de la transformation digitale.

A quoi ressemblera selon vous la banque de demain ?

Ma seule conviction est qu’elle sera très différente de celle d’aujourd’hui. Qu’est-ce qu’une banque ? Ce sont des hommes et des femmes, des systèmes d’information et des données. 

Tout d’abord des hommes et des femmes ancrés dans des territoires, impliqués dans l’économie. C’est une force incroyable. La banque de demain est, avant tout, celle qui saura conserver cette présence sur le terrain. C’est ce réseau qui lui permettra de comprendre la vie économique quotidienne des Français. Le banquier a un rôle sociétal majeur. Il véhicule une valeur ajoutée considérable que certains ont perdue de vue aujourd’hui.

Pour être pertinentes demain, les banques devront aussi miser sur le développement et l’exploitation de leurs systèmes d’information (SI). Les SI des banques rivalisent aujourd’hui avec ceux des GAFAs (Google, Amazon, Facebook, Apple). Tout l’enjeu est de faire évoluer et de transcender ce capital.

Il en va de même pour les données. Les banques disposent d’une quantité de datas colossale. Nous devons apprendre à mieux les organiser et les valoriser. Tout est à inventer. Il est essentiel que nous apprenions à maîtriser cet atout majeur.
C’est en actionnant ces trois leviers que les banques continueront à porter une utilité sociale, et donc une valeur marchande.

Le secteur bancaire a-t-il des progrès à faire sur le plan des services proposés aux clients ?

La capacité des géants d’Internet à offrir des services à leurs clients quand ils le veulent et où ils le veulent est bien meilleure que celle des banques. Si nous ne sommes pas capables d’offrir des plateformes digitales de qualité à leurs utilisateurs, d’autres le feront. Pour éviter cette intermédiation, nous devons réinventer la relation client avec des interfaces beaucoup plus intelligentes, en alliant le meilleur du digital et de l’humain.

 

La dématérialisation ne signifie pas la disparition de l’humain, bien au contraire.

 

Quelle place l’humain occupera-t-il dans ce nouvel écosystème ?

La dématérialisation ne signifie pas la disparition de l’humain, bien au contraire. La SNCF l’a compris : il est beaucoup plus simple d’utiliser une application pour acheter un billet de train, mais les équipes présentes en gare et dans les trains peuvent avoir une autre mission.
La banque de demain saura préserver cette force humaine en lui attribuant un rôle nouveau, une expertise à forte valeur ajoutée. Un client n’a pas besoin de son banquier pour faire un virement. En revanche, il est à la recherche de conseil, d’expertise et d’un contact humain dans les moments clés de sa vie.

Comment concilier le foisonnement de l’univers digital et la rigueur réglementaire propre au secteur bancaire ?

Le digital comme mode de pilotage peut sembler plus entropique car il fonctionne en réseau, mais il reste pour autant efficace. Je pense que les outils de la digitalisation permettront justement de répondre aux exigences réglementaires de façon plus efficace. Hier, les banques faisaient parvenir au régulateur des liasses de documents. Si elles lui donnent accès demain à un data lake, elles iront au-delà de ses demandes en lui permettant d’exploiter ces données par le biais de ses propres outils.

 

Depuis que les coffres-forts existent, le lien unissant le client à sa banque est la confiance.

 

Est-il selon vous plus difficile d’obtenir la confiance des clients pour les nouvelles technologies et les nouveaux usages dans le secteur bancaire par rapport à d’autres domaines ?

Depuis que les coffres-forts existent, le lien unissant le client à sa banque est la confiance. Prenons l’exemple des banques en ligne : les plus performantes sont celles qui sont adossées à des établissements bancaires classiques auxquels les clients font confiance.
Nos clients ont confiance dans les nouveaux outils que nous proposons, comme en attestent les courbes d’utilisation de nos services en ligne et sur mobile: plus de  900 millions de contacts en 2016. Leur confiance est fondamentale. A nous d’en être dignes.

La transparence de l’information qui caractérise la révolution numérique ne s’oppose-t-elle pas à l’idée de secret bancaire ?

C’est un vrai sujet. Notre capacité à protéger les données de nos clients est pour nous l’un des fondements de la confiance. Nous sommes l’une des dernières industries garantissant absolument à ses clients qu’elle ne vendra pas ses données à un tiers. Là où les GAFAs s’inscrivent dans une démarche de monétisation à l’extrême, nous leur garantissons au contraire une protection incomparable.

La banque est l’un des derniers espaces en ligne où la vie privée est respectée.

Ceci étant dit, il n’est pas impossible que certains de nos clients souhaitent demain qu’une partie de leurs données soit disponible pour un tiers. Nous n’en sommes pas là aujourd’hui.

 

Nos systèmes d’information constituent le cœur de la banque. Ils sont protégés par des dispositifs de sécurité sophistiqués.

 

Que mettez-vous en œuvre pour garantir la protection des données ?

Hier, le coffre-fort était physique, il est désormais numérique. Nos systèmes d’information constituent le cœur de la banque. Ils sont protégés par des dispositifs de sécurité sophistiqués.
Nous avons de plus en plus recours aux nouvelles technologies, et notamment à l’intelligence artificielle, pour assurer cette protection et lutter contre la cyber-criminalité. Certains dispositifs permettent de détecter les attaques à l’entrée de façon automatique, d’identifier des mouvements anormaux sur les comptes clients pour détecter la fraude. Nous travaillons en lien étroit avec l’Agence Nationale de Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) en France et avec des agences similaires dans chaque pays où nous sommes implantés.

Voyez-vous l’innovation technologique dans le secteur financier comme un facteur d’opportunités ou comme un vecteur de risques ?

C’est pour moi un levier d’opportunités considérable dès lors que le comportement de chacun est guidé par une éthique. Notre valeur est déterminée par notre utilité sociale vis-à-vis de la communauté. Les nouvelles technologies peuvent nous permettre de renforcer cette utilité.