La France est aujourd’hui le 1er pays agricole de l’Union Européenne mais subit, à l’instar d’autres pays, une crise agricole profonde, marquée par une augmentation nette des redressements et des mises en liquidation. Dans le même temps, de nombreux agriculteurs ont pris conscience des conséquences environnementales de leur activité et de la nécessité de changer de cap. Un virage s’impose donc aujourd’hui, pour développer des systèmes agricoles plus respectueux de l’environnement, sans pour autant faire baisser la rentabilité économique des exploitations.

L’agro-écologie peut permettre d’écrire cette nouvelle page de l’agriculture. Une nouvelle page placée sous le signe de la réconciliation : réconciliation entre les acteurs de l’agroalimentaire, les agriculteurs et la société et, plus encore, celle des agriculteurs avec leur histoire, leur terre et leur métier.

Agro-écologie : de quoi parle-t-on ?

L’agro-écologie ce n’est pas une agriculture nouvelle, concurrente de la Bio, des démarches qualité et des appellations de terroirs. C’est l’alliance de l’agronomie et de l’écologie, destinée à faire évoluer tous les modèles agricoles et qui répond à une triple ambition : environnementale, économique et sociale.

C’est une vision ambitieuse fondée sur le lien au sol, le bas niveau d’intrants [1], et des produits de terroir authentiques. S’il n’y a donc pas d’uniformité en matière d’agro-écologie parce que chaque exploitation est unique, toutes respectent des principes communs et liés entre eux :

  • être rentable : l’étude de l’application des principes de l’agro-écologie montre une augmentation significative de la marge nette des exploitations et donc du revenu disponible pour les agriculteurs ;
  • être économe en ressources, notamment en intrants : les intrants externes représentent en moyenne, pour un agriculteur, une dépense de 50 à 60 % du chiffre d’affaires ; les réduire c’est donc aussi assurer une meilleure indépendance financière à son exploitation ;
  • être plus autonome : notamment en étant plus diversifié, en recyclant les ressources produites sur la ferme (comme les effluents ou les résidus de culture utilisés pour maintenir et augmenter la fertilité des sols), ou en cultivant soi-même les aliments nécessaires à l’alimentation des troupeaux ;
  • être moins polluante : en limitant les besoins de fertilisation et de traitement et en favorisant la biodiversité avec des variétés et des races adaptées aux territoires, avec des pratiques respectueuses de la qualité des sols, de l’air, de la faune et de la flore, avec le retour des haies, des bosquets et des mares, etc.

L’agro-écologie en action : cinq expériences innovantes

Ces dernières années, plusieurs acteurs de l’agroalimentaire ont mis en route des démarches de progrès innovantes qui peuvent être considérées comme un premier pas vers l’agro-écologie.

Le rapport « L’agro-écologie : la performance est l’affaire de tous ! », que nous avons publié avec France Nature Environnement, fait le point sur cinq expériences à grande échelle sur le chemin de l’agro-écologie :

1)         Le Groupement des Mousquetaires, avec son programme Filières durables 2025 : douze filières agricoles sont supervisées par quatre conseils scientifiques et techniques regroupant toutes les parties prenantes ;

2)         McDonald’s France, avec sa stratégie agro-écologique pour ses cinq grandes filières agricoles : 80 fermes de référence ont testé pendant cinq ans plus de 70 nouvelles pratiques pour en sélectionner une cinquantaine en cours de déploiement sur le territoire français ;

3)         Mondelez-Lu sur la filière blé, avec le programme Harmony : lancé en 2007, il définit 51 bonnes pratiques agricoles suivies par plus de 1 700 agriculteurs en France, couvrant plus de 75 % des volumes de biscuits vendus en Europe ;

4)         Terrena, avec le concept de « nouvelle agriculture » sur les filières lapin, porc, poulet et farine, légumes, vigne et bovins : plus de 11 000 coopérateurs sont engagés et, parmi eux, 350 « sentinelles de la terre » qui innovent au quotidien ;

5)         Les Vignerons indépendants de France : avec déjà plus de 2 800 adhérents certifiés en agriculture biologique ou labélisés Haute Valeur environnementale (HVE), label dont ils ont été les précurseurs.

Ces démarches relèvent toujours de dynamiques collectives et se construisent toutes dans une logique de dialogue et de concertation, avec l’appui des acteurs de la recherche, instituts techniques, associations et ONG. L’idée de plan de progrès sur le long terme est généralement préférée à celle de cahiers des charges, trop figée et qui fait peser la responsabilité sur l’agriculteur uniquement. Afin de limiter les risques que de telles démarches impliquent, des accompagnements spécifiques sont mis en place : formations, animation de groupes d’agriculteurs, primes, contractualisation…

Comment passer de ces initiatives à une refondation de l’agriculture française ?

De nombreuses étapes restent à franchir pour passer des actions menées à grande échelle par des pionniers depuis 5 à 10 ans, à des pratiques fiables et adaptables à toutes les situations.

Cette refondation passera d’abord par le cofinancement, de manière concertée et pluriannuelle, des efforts de recherche pour réduire drastiquement l’empreinte environnementale de l’agriculture tout en conservant ses rendements.

Les savoir-faire de l’économie circulaire devront être appliqués aux filières agricoles pour trouver des débouchés aux productions issues de l’allongement des rotations culturales (notamment les légumineuses).

Il faut également, pour réussir, sortir du conflit systématique entre agriculteurs, industries agroalimentaires, producteurs de produits phytosanitaires, distributeurs et consommateurs. Chacun doit prendre sa part de responsabilités pour trouver des réponses satisfaisantes aux 3 ambitions conjointes et permanentes (performance environnementale, économique, et sociale). Chacun doit aussi, en conséquence, pouvoir bénéficier équitablement de la valeur créée par ce nouveau modèle.

Il faudra enfin valoriser les produits issus de l’agro-écologie auprès des consommateurs, pour que l’offre et la demande augmentent dans une logique de cercle vertueux. Le Label Haute Valeur Environnementale, certification mise en place par l’Etat lors du Grenelle de l’environnement, peut devenir le label qui portera la transition du modèle agricole vers des produits français de qualité.

Un nouveau contrat se dessine ainsi entre l’agriculture et la société. Un contrat qui, par sa modernité et sa vertu environnementale, redonne du sens au métier d’agriculteur et permet aux exploitations agricoles de retrouver une dynamique économique positive et d’attirer les talents. Au-delà du seul milieu agricole, c’est toute la société qui bénéficiera de l’agro-écologie, à travers de multiples retombées sur la santé, l’emploi, le partage de la valeur, les territoires et les liens de proximité qu’elle favorisera.

[1] Fertilisants, pesticides, eau, énergie, antibiotiques, aliments pour bétails achetés

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