Les grandes bourses mondiales et les marchés financiers peuvent tout supporter, sauf le silence. C’est bien ce qui les trouble aujourd’hui, quand elles entendent en permanence la banque centrale américaine qui s’exprime ou encore la banque centrale européenne – mais rien depuis la Chine ! Elles peuvent toujours analyser et douter de Janet Yellen ou de Mario Draghi, eux qui parlent ici ou là au moins une fois par semaine. Mais elles ne peuvent pas douter de ce que dit le patron de la banque centrale chinoise, pour la bonne raison qu’il ne dit jamais rien ! Comment comprendre, comment critiquer un tel silence ?

Il y a encore quelques mois, ce n’était pas si grave. Le monde entier n’avait d’yeux et d’oreilles que pour Janet Yellen et sa stratégie de remontée des taux d’intérêt. Mais, depuis août 2015, le Yuan a baissé. Depuis fin 2015, le FMI l’a accepté comme une des monnaies de réserve mondiales, aux côtés du dollar, de l’euro, de la livre sterling et du yen. Ce silence devient alors pire qu’inexplicable : inexcusable. Quand on est un grand mondial, on parle au moins autant que les autres. En tout cas, on commence !

Et ceci est d’autant plus nécessaire, que ce qui se passe en Chine est de plus en plus troublant. Troublants bien sûr ces chiffres de croissance globale, de commerce extérieur, de crédits bancaires compromis, et plus récemment de montants de réserves de change. Troublante cette croissance économique, qui « ralentit » de 10 à 7 %, sans qu’on sache exactement comment le processus se déroule et plus encore comment le contrôler. Et pourtant, on voit la banque centrale chinoise baisser ses taux d’intérêt pour soutenir l’activité. Et pourtant, on la voit en même temps calmer et stabiliser le Yuan pour que des inquiétudes ne gonflent partout dans le monde.

Tout cela se voit, avec quelquefois des va et vient qui surprennent. Parfois, on découvre au détour d’une note sur le site de la banque centrale chinoise, tel choix de régulation ou d’objectif de change ! Mais jamais on ne l’entend.

Alors les marchés se font des idées. Ils vont eux parler, commenter et critiquer, en lieu et place de ces responsables mutiques. Alors le pire est à craindre. Aujourd’hui, c’est en effet la Chine qui polarise les interrogations sur le futur de l’économie mondiale. Bien sûr c’est excessif au vu de son poids. Mais les marchés vont regarder toujours là où il y a des risques, des interrogations, et plus encore des inconnues. Comme toujours, ils vont essayer de découvrir la vérité, à leur manière. D’habitude ils spéculent contre un pays pour savoir s’il est vraiment solide, ou bien contre une banque pour savoir si ses crédits sont de bonne qualité. Aujourd’hui il s’agit de la deuxième économie du monde ! On sait qu’elle change – elle le doit. On sait qu’elle ralentit – c’est mécanique car ce n’est pas facile. Mais on ne sait pas vraiment les problèmes qu’elle a à résoudre et quelle sera sa démarche.

Devant les marchés financiers, faute avouée est (souvent) à moitié pardonnée – si elle est isolée. Mais que dire quand on ne dit rien ? Aujourd’hui il faut que la banque centrale chinoise parle. Toutes les banques centrales responsables de grandes monnaies le font. C’est un peu de science, et beaucoup d’art. Tout le monde le sait. Maintenant que la monnaie chinoise est entrée dans le club des grandes, et que la Chine veut piloter les émergents, elle doit expliquer comment elle va faire et mener le chemin. Il ne s’agit pas de tout dire, de confesser des erreurs et des lacunes, mais d’exprimer peu à peu des choix et de donner des pistes et des repères. Les grands, Fed et BCE, font de la forward guidance, cet art de pilotage des anticipations. Autrement c’est une source de nouvelles interrogations qui s’étend et, par les temps qui courent, nous n’en n’avons pas vraiment besoin. Au parloir !

Chaque semaine, au travers du Weekly Briefing, je vous livre un regard économique et financier sur la conjoncture et l’actualité. Si vous êtes intéressé, cliquez pour vous abonner.