Article co-écrit avec Pauline Cristofini et Anthonin David, Consultants Senior Deloitte Développement Durable.

La biodiversité joue un rôle absolument fondamental dans la survie de notre espèce : approvisionnement en matières premières et en eau douce, séquestration du carbone, régulation du climat, fertilité des sols et pollinisation… rien de tout cela ne serait possible sans l’œuvre de la nature. 75% des cultures vivrières mondiales dépendent par exemple des insectes pollinisateurs.

L’érosion de la biodiversité constitue donc une grave menace à différentes échelles, à commencer par son impact sur notre sécurité alimentaire, fortement fragilisée : 23% des terres ont subi une réduction de leur production en raison de la dégradation des sols. Mais elle constitue également un coût, estimé entre 125 000 et 140 000 milliards de dollars par an, soit presque le double du PIB mondial.

En mai dernier, Axa et le WWF ont publié le rapport « « Into the wild : intégrer la nature dans les stratégies d’investissement », qui met en garde les institutions financières contre la « banqueroute » de la Nature et les pousse à adopter une approche intégrée de la soutenabilité. Leur recommandation repose sur la création d’une TCFD de la biodiversité, comme pour le climat, afin d’encourager les stratégies d‘investissement favorisant la protection et restauration de la biodiversité.

Quel rôle peut porter le secteur financier dans la lutte pour la préservation de la biodiversité ?

Avant tout, les organisations peuvent intégrer les enjeux biodiversité au cœur même de leur stratégie en évaluant leurs dépendances et impacts. L’objectif : identifier voire cartographier les activités les plus à risque (projet immobilier dans une aire naturelle, approvisionnement en matière première naturelle sans contrôle amont des pratiques agricoles…).

Cette première étape de diagnostic permet d’anticiper la construction d’un plan d’action. La mise en œuvre doit alors souvent être accompagnée d’une forte sensibilisation, interne et/ou externe, pour permettre d’appréhender la biodiversité dans toute sa complexité. La Fresque de la Biodiversité, co-construite par Deloitte, est un bon outil de sensibilisation : atelier participatif, elle constitue une initiation pédagogique sur les causes, mécanismes et conséquences de l’érosion de la biodiversité.

De plus en plus d’acteurs s’engagent en faveur de la préservation du vivant. Il est donc nécessaire de comprendre le rôle de chacun. En novembre dernier, Finance for Tomorrow, organisme de la place de Paris visant à développer les pratiques de finance responsable, a publié une cartographie des acteurs français du financement de la Biodiversité et du Capital Naturel. Ce document, auquel Deloitte a contribué, cherche à identifier les freins et leviers majeurs au développement d’une classe d’actifs du capital naturel.

Si l’ensemble des secteurs économiques ont besoin d’évoluer et de se mobiliser pour la protection de la Nature et des services qu’elle génère, le secteur financier est en position particulièrement favorable pour peser sur une transformation de notre système économique. Celle-ci constitue une formidable opportunité pour développer des portefeuilles d’actifs résilients et à forte valeur ajoutée potentielle. Le « rhino-bond » est un bon exemple d’instrument financier innovant destiné à protéger la nature. L’emprunt, d’un montant total de 50 millions de dollars et d’une maturité de cinq ans, sera émis par Conservation Capital afin de protéger les rhinocéros noirs d’Afrique. A l’inverse, le fonds d’investissement Nordea a décidé de cesser ses achats d’actions auprès du Gouvernement brésilien, en réponse aux incendies détruisant une partie de la forêt amazonienne.

La mobilisation des acteurs financiers ne fait donc que commencer. Celle-ci doit être amenée à se développer avec l’approche de rendez vous importants tels que la COP15 en Chine ou le Congrès mondial de l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature) en 2020. Pour saisir les opportunités qu’offrent la protection du capital naturel, la balle est maintenant dans le camp des décideurs économiques.