En France, 40% des étudiants inscrits en L1 renoncent dès la première année ou changent d’orientation[1]. Deux raisons majeures à cela : l’absence de sélection à l’entrée à l’université et des parcours standards sans accompagnement individualisé des étudiants. Parcoursup, la nouvelle plateforme d’orientation post-bac en France propose différentes solutions pour remédier à cette situation : rédaction de lettres de motivation par les étudiants pour permettre aux universités de mieux les orienter, ou encore introduction d’« attendus » fixés par les universités pour l’entrée en licence afin de privilégier les étudiants ayant le plus de chance de réussite pour les filières en tension.

Mais pour aller un cran plus loin, diminuer l’abandon en cours de cursus et améliorer les résultats des étudiants, les écoles et les universités peuvent également miser sur les student analytics. C’est le choix qu’ont fait plusieurs universités, notamment dans le monde anglo-saxon.

Les student analytics, quésako ?

Les établissements d’enseignement supérieur disposent d’une mine d’informations – données administratives, résultats universitaires de leurs étudiants – à valoriser pour mieux suivre les parcours étudiants et adapter les modalités d’enseignement qu’ils proposent. À la clé pour ces établissements : de meilleurs taux d’assiduité, de réussite, d’engagement… et à terme, une amélioration de l’efficacité du système éducatif relevant de l’enseignement supérieur.

Concrètement, comment ça marche ?

Les student analytics peuvent apporter des réponses pertinentes dans plusieurs cas de figure.

Une bonne analyse des données permet d’abord d’identifier les étudiants en difficulté pour focaliser l’accompagnement vers ceux qui en ont le plus besoin. C’est ce qui a été mis en place à l’University of New England en Australie : plusieurs indicateurs sont analysés en temps réel – assiduité, résultats scolaires, état émotionnel déclaré – pour identifier les étudiants qui rencontrent des difficultés et se rapprocher d’eux rapidement. Les résultats sont probants : un sentiment d’appartenance et une motivation en nette augmentation. Dans la même logique, Edith Cowan University en Australie recourt à des modèles capables de prédire l’assiduité des étudiants. Les étudiants identifiés comme ayant le plus besoin de soutien sont contactés par e-mail et se voient proposer un programme d’accompagnement personnalisé.

L’Arizona State University aux États-Unis a quant à elle choisi de personnaliser les apprentissages grâce à une plateforme qui recommande les cours et activités les plus adaptés à chaque étudiant en fonction de leurs centres d’intérêt et méthodes de travail. Les abandons de cours ont ainsi diminué de 56 %. Au Royaume-Uni, l’Open University recourt à l’analytique prédictive pour mieux guider les choix d’orientation de ses étudiants : elle se fonde sur l’étude des comportements et données d’anciens étudiants.

Les student analytics permettent également aux étudiants de suivre leurs résultats en temps réel et se situer par rapport à leurs camarades. La Nottingham Trent University au Royaume-Uni a ainsi mis en place un tableau de bord pour établir et comparer les taux d’implication des étudiants à partir de plusieurs indicateurs (fréquentation de la bibliothèque, rendu des devoirs, assiduité…). Résultat : des étudiants plus engagés dans leur scolarité et un lien direct avec leur réussite académique.

L’université du Maryland aux États-Unis recourt elle aussi à des modèles prédictifs, pour optimiser le processus de sélection des nouveaux étudiants. Cet établissement utilise les student analytics pour mieux identifier son cœur de cible et ainsi rationaliser ses efforts – et dépenses – de recrutement. Les inscriptions ont augmenté de 20%, et les frais ont baissé d’autant.

Quels enjeux éthiques et légaux ?

Il est vrai que selon les pays et établissements les enjeux derrière la lutte contre le décrochage peuvent être différentes (baisse de chiffre d’affaires vs sélection déguisée). Néanmoins, si les différentes expériences précitées ont été globalement bien acceptées par les étudiants et le personnel des universités, plusieurs inquiétudes ont émergé notamment sur l’ouverture de l’accès aux données, et la capacité de l’université à continuer de jouer son rôle d’ascenseur social.

Pour répondre à ces inquiétudes, de nombreuses équipes dirigeantes d’universités s’efforcent de travailler main dans la main avec les associations et les syndicats étudiants. Le but est de poser les bases d’une éthique des student analytics, reposant sur la formation du personnel, la définition de règles claires quant à l’utilisation des données et des algorithmes et le contrôle strict des accès aux informations des étudiants.

Les student analytics constituent un nouveau terrain de jeu pour les établissements d’enseignement supérieur, qui y trouvent des solutions à la fois pour améliorer leur recrutement, personnaliser les apprentissages, et mieux accompagner les étudiants dans leur parcours.

 

[1] Statistiques DEPP, édition 2017