Article co-écrit avec Marine Bauchère, consultante senior, Elsa Mallein-Gerin et Chloé Dreher, consultantes FSI.

La Directive sur les Paiements n°2 (DSP2) n’a pas été accueillie d’un très bon œil par le monde des services financiers. Comme nous l’avons montré dans un précédent article, l’ouverture des données n’a pas donné les résultats attendus, et la nouvelle réglementation a souvent été perçue comme un frein à la qualité de l’expérience client.

Tout ceci est vrai mais la directive n’apporte pas que des mauvaises choses, bien au contraire. Changeons donc d’optique et tâchons de voir le verre « à moitié plein ». La DSP2 demande aux banques de développer trois API : « Agrégation de comptes », « Initiation de paiement », « Couverture de solde » Cette initiative est le premier pas vers l’ouverture des données bancaires. En effet, ces données bancaires ne sont plus le monopole des banques, elles sont désormais mises à disposition de tiers qui pourront eux aussi y avoir accès. Il est donc plus que jamais stratégique pour les institutions financières de tourner à leur profit cette ouverture des données bancaires. D’autant plus les banques ont déjà dépensé plusieurs dizaines de millions d’euros pour se mettre en conformité DSP2 (mise en place des API, des dispositifs d’authentification forte, d’outils de fraude, refonte des reportings…), et la marche à franchir pour tirer profit de ces investissements semble aujourd’hui marginale comparée aux efforts déjà engagés sur le volet réglementaire. En parallèle, cette ouverture des données bancaires va renforcer l’environnement concurrentiel : d’autres acteurs (assureurs, agrégateurs de comptes, initiateurs de paiements), pourront désormais eux aussi accéder à ces données et en tirer profit. La DSP2 place la donnée au cœur des réflexions aussi bien des banques que des acteurs tiers.

Alors comment les banques et les assurances pourront-elles tirer parti de ces données ? Plus précisément, comment pourront-elles en faire de nouvelles sources de revenus ? De trois manières différentes : par la commercialisation d’API (pour les banques), par la monétisation des données et par la détection de nouvelles opportunités de vente grâce aux données.

La commercialisation d’API (banque) :

La banque expose ses API à des tiers pour que ces derniers les consomment, gratuitement ou contre rémunération : en proposant des services bancaires qui viennent enrichir les API DSP2 (ex. : score de solvabilité, modules de paiement, services de transfert d’argent, de vérification de l’identité…) ou non bancaires (ex. la banque propose des services de partenaires non bancaires tels que des agences immobilières, des concessions automobiles, des compagnies de taxi, des planificateurs de voyages…).

Commercialiser ces API permettra à la banque de générer des revenus additionnels, aussi bien sur les segments B2B que B2C.

Monétiser les données bancaires :

Certaines startups proposent aux banques de monétiser leurs données bancaires auprès de marchands. Le concept est le suivant : la startup fait le lien entre les banques, les marchands et les clients finaux. Elle agrège les données bancaires des clients via l’API agrégation de comptes et les analyses pour profiler les clients. D’autre part, elle dispose d’un réseau de commerçants partenaires qui proposent des promotions. La startup permet ensuite aux banques de pousser, depuis leur application, des offres promotionnelles personnalisées pour chaque client. La banque prend une commission sur chaque offre promotionnelle poussée : elle monétise les données de ses clients en échange d’avantages fidélité.

Optimiser l’offre produit et détecter de nouvelles opportunités de vente :

Les banques et assurances pourront accélérer la souscription de leurs offres par l’analyse des données bancaires externes. Prenons l’exemple du crédit, des garanties locatives, ou encore des assurances emprunteur. Au lieu de demander à leurs clients d’importer leurs relevés de comptes, elles pourraient directement aller les chercher pour eux en consommant l’API agrégation de comptes. Premier avantage : le client est libéré des tâches administratives : il n’a plus à aller chercher ses relevés de comptes, ni à les envoyer. Second avantage, ces données sont récupérées sous un format directement exploitable qui permettra de développer des scoring de risques automatisés. En quelques minutes, le client saura si son prêt lui est accordé ou non.

Une fois le crédit ou l’assurance souscrite, pourquoi ne pas le faire évoluer selon les changements qui affectent la vie du client ? En actualisant les analyses de risques pour proposer des prêts ou assurances évolutifs, les banques et assurances pourraient récompenser les clients qui adoptent un comportement financier sain, et renforcer l’engagement des clients et leur propension à respecter leurs échéances.

Au-delà de la souscription, ces données bancaires permettront de détecter des opportunités de ventes additionnelles. Prenons l’exemple de l’assurance :

 

 

L’ouverture des données constitue une source importante de revenus additionnels, dont les banques et assurances auraient bien tort de se priver ! D’autant qu’il s’agir d’une stratégie gagnant-gagnant, qui profite autant aux institutions financières qu’à leurs clients. Pour assurer cette stratégie de valorisation des données, des réflexions devront être menées sur les cas d’usage, la valeur ajoutée réelle auprès du client, mais également en interne, le ROI attendu et la légitimité d’une telle action.