Article écrit en collaboration avec Marie Sevellec, Senior Manager Afrique.

Depuis les années 2000, tous les voyants sont au vert en Afrique, en particulier dans la sous-région subsaharienne : taux de croissance économique estimé à 2,5% en 2017, pénétration du mobile et d’internet, urbanisation galopante et explosion démographique… Tout porte à croire que l’Afrique a mis un pied dans la société de consommation. Pour soutenir ce développement économique, le continent doit être en mesure de proposer des plateformes maritimes efficaces qui lui permettent d’être attractif et rentable. Car les chiffres sont éloquents : en s’insérant à hauteur de 5% dans les volumes commerciaux maritimes internationaux, l’Afrique peine à attirer les flux.

Si la modernisation des infrastructures portuaires et le passage à l’ère de la conteneurisation ont été amorcés depuis plus d’une décennie à renfort d’investissements colossaux, l’Afrique a maintenant avant tout besoin de structurer la gouvernance et les différents modes de gestion de ses zones portuaires.

La modernisation des infrastructures

Près de 40 milliards d’euros ont été versés pour la modernisation de l’infrastructure portuaire depuis le début des années 2000. Grâce à ces nouvelles infrastructures, de nombreux ports s’ouvrent progressivement à la conteneurisation et au transbordement. Le long du Golfe de Guinée, la construction de nouveaux terminaux à conteneurs se multiplient afin d’être en mesure de recevoir les grands tonnages internationaux. Le Port de Pointe-Noire a renforcé sa position de hub sous-régional de transbordement, en améliorant sa procédure pour plus de flexibilité au profit des armateurs : alors que le contrôle était effectué auparavant par la Douane a priori avant le chargement des marchandises, il est maintenant effectué a posteriori grâce à la dématérialisation de la déclaration.

Cependant, l’attractivité d’un port se mesure avant tout… à terre. En effet, même équipé des infrastructures les plus performantes, un port doit pourvoir à l’une de ses fonctions essentielles : redistribuer la marchandise importée vers l’hinterland. Or, la faiblesse des infrastructures routières et ferroviaires africaines empêche ce transit de se faire dans les conditions optimales. Les incuries, retards et failles sont nombreuses. On comprend donc mieux la volonté pugnace de Vincent Bolloré, dont la société est leader en logistique portuaire sur la zone Afrique, de construire le « Bluetrain », une boucle ferroviaire titanesque qui permettrait de connecter la région ouest-africaine et qui servirait principalement à transporter marchandises et minerais.

Si le défi en termes d’infrastructures reste à la portée de la plupart des ports via les divers mécanismes de financement, l’optimisation de la gouvernance demeure aujourd’hui un enjeu majeur dans les ports d’Afrique subsaharienne, d’autant plus que leur performance s’apprécie après le franchissement du cordon douanier, notamment au niveau des coûts et des délais de passage portuaire.

Faire évoluer les modes de gestion des ports 

Les communautés portuaires africaines ont évolué pour se composer aujourd’hui d’une grande diversité d’acteurs publics et privés (armateurs, agents maritimes, manutentionnaires et transitaires…), locaux mais également extérieurs à l’enceinte du port. On se doute donc bien qu’un des enjeux majeurs réside dans la coopération de ces acteurs et la convergence de leurs intérêts.

Pour cela, certaines initiatives ont été mises en place comme les « guichets uniques portuaires » à Cotonou. Cette plate-forme électronique d’échanges sécurisés de données entre acteurs publics et privés impliqués dans l’entrée et la sortie de marchandises des ports a permis de fédérer la communauté portuaire dans un environnement simplifié. Après sa mise en place, une diminution drastique des coûts et des délais de transfert de marchandises a été constatée.

A Pointe-Noire, les responsabilités des acteurs publics en matière de contrôle documentaire et physique ont été clarifiées. Le nombre d’administrations en charge du contrôle lors de l’arrivée du navire au port est rationalisé, ce qui permet d’accélérer le début des opérations de déchargement. De même, la communauté portuaire a acté la suppression des contrôles redondants à la sortie de l’enceinte portuaire, notamment ceux de la Marine Nationale et de la police du port. En outre, le plan de circulation et les points de contrôle ont été redéfinis dans l’enceinte portuaire, de manière à fluidifier le trafic et améliorer la coordination des contrôles par toutes les administrations. Les délais de livraison de la marchandise et les coûts informels s’en trouvent largement réduits.

L’efficacité du passage portuaire repose également en grande partie sur la modernisation de l’appareil douanier. A Pointe-Noire, les procédures douanières ont été optimisées avec l’opérationnalisation du transfert électronique du manifeste. Il est désormais obligatoire 48 heures avant l’arrivée du navire, alors que la déclaration en douane était enregistrée 10 jours après l’arrivée du navire. Cela ramène potentiellement le délai de dédouanement des marchandises de 7 à 2 jours. Par ailleurs, la communauté portuaire s’investit sur la facilitation des démarches des transitaires et des agents maritimes, grâce à la dématérialisation des formalités administratives permise par l’interconnexion des systèmes d’information des acteurs.

Pour soutenir son développement économique, l’Afrique subsaharienne doit être en mesure de proposer des plateformes maritimes compétitives et attractives. Grâce à la modernisation des infrastructures portuaires, de nombreux ports s’ouvrent progressivement à la conteneurisation et au transbordement. Mais si le développement des infrastructures est crucial, c’est l’optimisation des modes de gestion et de gouvernance des ports qui constituent l’enjeu majeur des ports africains aujourd’hui.

Si ce sujet vous intéresse, n’hésitez pas à me contacter.