Le monde bancaire subit une mutation sans précédent et doit relever des défis de plus en plus prégnants : une vague digitale qui s’accélère, une pression réglementaire grandissante, de nouveaux entrants qui entament peu à peu le monopole bancaire, des taux d’intérêt exceptionnellement (et durablement ?) bas qui érodent la marge nette d’intérêt de la plupart des banques de détail et des clients qui continuent année après année de marquer une forte défiance à l’encontre du monde bancaire. Notre étude annuelle sur les relations banque-clients montrent que le niveau de confiance des clients dans leur banque principale n’est que de 60 % sur la période 2011 – 2016, et de seulement 35 % vis-à-vis du système bancaire en général.

Les banques de détail que nous rencontrons régulièrement ont depuis longtemps saisi l’ampleur de ces défis et l’urgente nécessité de s’adapter à un environnement de plus en plus instable si elles veulent continuer à exister encore demain. Francisco González – CEO de la banque espagnole BBVA – estime que d’ici 10 ans et à l’échelle mondiale, seule une centaine d’acteurs bancaires suffisamment forts résisteront à la déferlante numérique.

A des degrés de maturité et d’avancement certes différents, toutes ont entrepris (ou envisagent de le faire) des programmes de transformation en profondeur de leurs processus et modes d’organisation, de leurs ressources humaines et systèmes d’information. Elles cherchent à faire émerger le concept de banque AT.AW.AD, c’est-à-dire une banque nouvelle, plus agile et ouverte sur l’extérieur, que ses clients puissent « consommer » n’importe quand (AnyTime), n’importe où (AnyWhere) et par le truchement de n’importe quel moyen (Any Device), qu’il s’agisse d’un canal physique (visite à son agence, appel à son conseiller) ou distant (PC, tablette ou smartphone).

Mais l’adoption de ce nouveau business model, nécessaire pour pouvoir s’adapter à l’entrée des Fintechs et autres GAFA dans la sphère bancaire, risque bien de se révéler insuffisante si elle ne s’accompagne pas d’un reset complet de la relation clients tel que les banques l’ont jusqu’à présent organisée.

Au fond, qu’attend concrètement le client de sa banque, au-delà d’une offre de produits & services bancaires packagée et en voie de banalisation, commercialisée dans des agences relookées qui se ressemblent toutes plus ou moins ?

La différence, celle qui permettra à une banque de se distinguer ultimement de toutes les autres et ainsi ré-enchanter l’expérience client, c’est de montrer à ses clients qu’elle s’intéresse vraiment à eux, de créer la perception parmi ces derniers que la banque fait ce qui est juste pour eux, et pas seulement ce qui est juste pour elle. Comment faire concrètement ? Notre étude révèle que l’intérêt client est fonction de trois éléments clefs qui sont indissociables : conseil, accompagnement et personnalisation.

1. Conseil : conseil sur la manière de gérer son épargne, ses crédits ou bien encore ses finances personnelles. Il faut que le client puisse voir, « toucher » la valeur ajoutée du conseil ainsi fourni, bref « qu’il en ait pour son argent ».

  • Enjeu pour la banque : passer d’une culture « push » (pousser des produits maison vers le client) à une culture « pull » (partir des besoins, exprimés ou latents [i], du client, grâce à une écoute active et empathique du conseiller de clientèle).

2. Accompagnement dans la durée : le client veut pouvoir compter sur sa banque dans la durée et savoir que celle-ci sera à ses côtés dans les bons comme dans les mauvais moments de la vie (chômage, divorce ou maladie).

  • Enjeu pour la banque : réinventer sa culture commerciale ; être capable, par exemple, de se montrer indulgente en cas de coups durs, ne pas agir de façon inflexible, considérer, valoriser et écouter ses clients, bref instaurer un vrai dialogue avec ceux-ci.

3. Personnalisation : la banque doit pouvoir personnaliser, non seulement la relation qu’elle entretient avec son client (le dogme longtemps défendu par les banques de « un client pour un conseiller » s’estompe au profit de celui de : « un client pour du conseil »), mais surtout son offre de produits & services, en répondant de façon précise à ses besoins, dans le bon timing et selon le bon canal.

  • Enjeu pour la banque : se doter de vraies compétences en big data/advanced analytics afin de pouvoir tirer toute la valeur (enfin !) de la richesse de ses bases de données client.

Ce n’est qu’en combinant ces 3 leviers que les banques parviendront à rétablir la confiance malmenée de leurs clients et préserver ainsi leur avantage concurrentiel face aux nouveaux entrants. Mais comme souvent en matière de stratégie de transformation, tout l’art réside dans son exécution …

[i] Sait-on, par exemple, que 75 % des Français considèrent qu’ils n’ont pas ou peu de culture financière (enquête PATER 2014_Patrimoine et Préférences vis-à-vis du Temps et du Risque) ?