Baisser ou supprimer l’ISF, ce « cadeau aux riches », est-il l’application de la « théorie du ruissellement », vraie ou fausse, ou bien la mise en œuvre d’une autre logique, plus adaptée à la situation actuelle ? Est-ce la preuve de l’américanisation du Président Macron ? Est-ce du dumping fiscal, cédant à la guerre fiscale qui fait rage, en Europe et ailleurs ? Ou est-ce une autre approche, même si son volet fiscal se trouve être, en partie seulement, le même ?

D’abord, nous sommes, comme toujours en France, dans le symbolique. La refonte de l’ISF pourrait faire perdre 3,1 milliards d’euros sur les 5,2 qu’il « rapportait », sur un total de 302 milliards de recettes. Avec quels effets positifs ? Quand ? Combien ? Est-ce une question d’équité, de relance fiscale, ou d’efficacité, dans le monde dans lequel nous entrons ?

Un « ruissellement reaganien » ? Non. Cette théorie (trickle down en anglais) est invoquée pour expliquer et critiquer l’approche fiscale française. Venue de la Révolution conservatrice américaine avec Ronald Reagan, illustrée par la « courbe de Laffer », elle dit non seulement que « trop d’impôt tue l’impôt », mais surtout que moins d’impôt fait repartir la machine économique, puis les impôts. Il s’autofinance. Le déficit budgétaire serait alors temporaire, d’où des controverses multiples. Reconnaissons quand même que le cas français en est une illustration partielle, mais inverse. Car « beaucoup d’impôt » donne ici « peu de croissance et d’emploi », et « depuis longtemps ». Plus récemment même, la hausse d’impôt de François Hollande en début de mandat, n’a pas vraiment soutenu l’activité. Le tout sans oublier que des fortunes quittent la France. Elles étaient vieilles au début, les voilà plus jeunes maintenant. Sportives, musicales ou non, elles vont plus vite vers des pays de moindre prélèvement. On pourra donc dire, au moins par expérience, que « plus d’impôt ne fait pas plus de croissance et d’emploi ». Mais que se passera-t-il avec un peu moins d’impôt ?

Une remontée classique du profit alors ? Ce n’est pas vraiment le besoin actuel. Certes moins d’impôt permet d’investir plus, puisque les entreprises pourront acheter plus d’équipements, ou d’autres entreprises. Elles seront aussi mieux valorisées en bourse. Les salaires pourront monter un peu, mais pas forcément la compétitivité et l’emploi, ce qui est l’objectif. Le CICE en est un assez bon exemple : un coût budgétaire élevé, car pas centré sur les hauts salaires qui permettent seuls l’exportation, donne peu d’investissement et de croissance.

Une remontée nouvelle du profit ? C’est l’idée. D’abord, la richesse ne « descend plus », mécaniquement, à partir d’une répartition plus favorable aux riches, avec emplois à la clef, dans la concurrence globalisée que nous vivons. Elle remonte au contraire, vers ceux qui ont des idées, testent et prennent des risques. Mais ils emploieront assez peu, payeront bien mieux et surtout exporteront. Ce n’est pas une répartition revue, avec plus de riches, qui fait la croissance dans nos pays avancés, c’est l’offre exportatrice, donc innovatrice, que feront ces « riches-là ». Leur comportement doit être encouragé, soutenu, facilité. Et cette politique doit surtout être bien expliquée, ce qui ne va pas de soi. En même temps en effet, pour que cette richesse qui remonte vers plus de prise de risque puisse s’étendre, il faut plus de formation des salariés, plus d’agilité et de souplesse des structures, avec plus de discussion dans l’entreprise. Enfin, il ne s’agit surtout pas que l’Etat augmente son coût et ses prélèvements, pour en profiter. Il doit devenir, lui aussi, plus efficace.

Nous ne sommes donc pas dans un « ruissellement à l’américaine », qui ne fera qu’augmenter les inégalités – déjà énormes dans ce pays, ce qui ne pourra s’y compenser que par le protectionnisme, comme on le voit. Nous ne sommes heureusement plus dans une baisse de la TVA (« à la restauration ») ou indiscriminée des charges (« à la CICE »). Nous sommes dans des baisses d’impôt pour la prise de risque, couplées à plus d’investissement en formation. Nous entrons dans la révolution de la connaissance, celle des start-ups, avec son économie si particulière, où une idée peut créer des milliards en peu d’années. Et ces milliards nouveaux, il vaut mieux qu’ils soient ici. Et donc il faut former plus à ce monde qui change, avec des structures publiques plus simples et légères, et le dire.

Rien ne ruisselle, tout remonte.

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